alfediam Prévention et traitement des lésions du pied Manuel utilisateur
R E C O M M A N D AT I O N S d e b o n n e s p r a t i q u e s a l f e d i a m
P A R A M E D I C A L
2 0 0 5
Pour la prévention et le traitement local des lésions des pieds chez les diabétiques
Coordonnateurs :
Marie-Louise GRUMBACH
Podologue, Brunoy (91)
Jean-Louis RICHARD
Médecin, CHU Nîmes (30)
janvier 2005
S O M M A I R E
> INTRODUCTION
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
IMPLICATIONS ECONOMIQUES p. 4 p. 4 p. 5
> RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE
FACTEURS PATHOGENIQUES p. 5 p. 5
1. La neuropathie p. 5
2. L'ischémie p. 5
3. L'infection p. 5
FACTEURS DECLENCHANTS p. 6
> DEPISTAGE DU RISQUE PODOLOGIQUE
p. 7
LES ANTECEDENTS
LA NEUROPATHIE SENSITIVE
L'ARTERIOPATHIE PERIPHERIQUE
LES DEFORMATIONS p. 7 p. 7 p. 7 p. 7
> PREVENTION
p. 8
L'EDUCATION p. 9
LA PRISE EN CHARGE PODOLOGIQUE
1. Les soins de podologie
2. Les orthoplasties
3. Les orthèses plantaires
4. Le chaussage
5. Les obstacles aux mesures podologiques p. 10 p. 10 p. 10 p. 10 p. 12 p. 12
> PRISE EN CHARGE DES LESIONS
L'EVALUATION DE LA PLAIE
LE TRAITEMENT DE LA PLAIE
1. Le traitement général
2. Les soins locaux p. 13 p. 13 p. 14 p. 14 p. 15
2.1. L'hygiène p. 15
2.2. Le nettoyage de la plaie
2.3. La détersion
2.4 La momification
2.5. Le pansement p. 15 p. 16 p. 16 p. 17
2.6. La fermeture du pansement
3. La décharge p. 20 p. 20
3.1. L'alitement p. 20
3.2. Les cannes, béquilles et déambulateur p. 20
3.3. Les fauteuils roulants
3.4. Les chaussures de décharge
3.5. Les bottes amovibles
3.6. Les bottes non amovibles
3.7. Les autres moyens de décharge p. 20 p. 20 p. 21 p. 22 p. 22
> LE PIED DIABETIQUE :
UNE APPROCHE MULTIDISCIPLINAIRE
ANNEXE 1 - CLASSIFICATION DE LA SEVERITE
DE L'INFECTION
ANNEXE 2 – MODE D'EMPLOI
DU MONOFILAMENT DE 10 G
ANNEXE 3 –GRADUATION DU RISQUE p. 24
D'ULCERATION p. 24
ANNEXE 4 – CONSEILS AUX PATIENTS
À RISQUE D'ULCERATION
ANNEXE 5 – EXAMEN DES PIEDS
ANNEXE 6 – CONSEILS
POUR LE CHAUSSAGE p. 23 p. 24 p. 25 p. 25 p. 26
ANNEXE 7 – CLASSIFICATION DES
LESIONS DU PIED
ANNEXE 8 – TECHNIQUES DES
PRELEVEMENTS BACTERIOLOGIQUES
ANNEXE 9 – TECHNIQUES DE DECHARGE
ANNEXE 10 – DECHARGE :
ARBRE DECISIONNEL p. 26 p. 27 p. 27 p. 27
2
> AVANT PROPOS
Le document présenté ici s’adresse spécifiquement aux acteurs de santé paramédicaux qui sont amenés
à prendre en charge les lésions des pieds chez les patients diabétiques.
Bien que la prise en charge globale du pied diabétique passe par une démarche médicale et diététique indispensable, la première n’est volontairement pas abordée et seul un résumé de la deuxième figure dans ce document.
L'objectif de ce document est de donner des recommandations pratiques sur la prévention et le traitement, applicables en routine quotidienne, afin de réduire l'impact de la pathologie du pied chez le diabétique et plus spécifiquement de prévenir la sur venue des ulcérations, de diminuer la fréquence des amputations des membres inférieurs, d'augmenter la vitesse et le taux de cicatrisation des plaies et de réduire leur taux de récidive.
Ce travail a été réalisé sur la demande de l’ALFEDIAM PARAMEDICAL.
METHODOLOGIE GENERALE
Coordonnateurs :
La méthodologie s’est appuyée d’une part sur l’analyse de la littérature en privilégiant les études scientifiquement bien étayées et sur les autres documents de recommandations sur le pied diabétique et d’autre part, sur la pratique professionnelle et les avis du groupe de travail. Un document de base a ainsi été produit puis modifié à de nombreuses reprises au cours de discussions au sein du groupe de travail ; une version révisée a été adoptée au cours d'une réunion à Toulouse et soumis pour critiques à un groupe de lecture composé d'experts reconnus dans la pathologie du pied chez le diabétique. Suite aux remarques et suggestions faites par le groupe de lecture, le groupe de travail s’est réuni une deuxième fois pour l’élaboration du texte final qui a été soumis pour validation au Groupe de
Travail Mixte ALFEDIAM Médical et Paramédical sur le Pied
Diabétique.
Ces recommandations devront être réactualisées en fonction de l’évolution des connaissances et du contexte médico-social et professionnel.
OBJECTIFS DES RECOMMANDATIONS
- Marie-Louise GRUMBACH, podologue, Brunoy (91).
- RICHARD Jean-Louis, Médecin, CHU Nîmes (30)
Président du groupe Pied ALFEDIAM médical et Paramédical.
Comité de rédaction :
- BELOU Ghyslaine, infirmière, CHU de Rangeuil, Toulouse (31).
- COHEN SOLAL Patricia, infirmière, CHU de Nice (06).
- FOUQUET Caroline, diéteticienne, CHU Rangueil Toulouse (31).
- FRABOULET Monique, infirmière, CHU Pitiè-Salpetrière (75).
- GRUMBACH Marie-Louise, podologue à Brunoy (91), Coordinatrice.
- HAIBLET Brigitte, podologue, Nice (06).
- JOURNOT Cathy, podologue, Ramonville (31).
- MENOU Pierre, podologue, Charenton (94).
- MOUREY Christiane, infirmière, Hotel Dieu, Le Creusot (71).
- NIEMCZYNSKI Pierre, podologue, Aurillac (15).
- PELLATON Reine, podologue, Besançon (25).
- SAILLANT Philippe, podologue, Nantes (44).
- VERITE Sophie, infirmière, CH Sud-francilien, Corbeil-Essonnes (91).
Ces recommandations ont comme buts essentiels de :
- Prévenir et réduire la sur venue des lésions et particulièrement des amputations
- Optimiser le temps de cicatrisation
- Réduire la récidive des lésions
3
1.
Reiber GE. Epidemiology of foot ulcers and amputations in the diabetic foot. In Bowker JH, Pfeifer MA (eds), The Diabetic
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Girod I, Valensi P, Laforêt C, Moreau-Defarges T, Guillon P,
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McCabe CJ, Stevenson RC, Dolan AM. Evaluation of a diabetic foot screening and protection programme. Diabet Med
1998; 15: 80-84.
4
> INTRODUCTION
> DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
Bien que variable selon les publications, en fonction du type d'enquête réalisée et des régions, la prévalence des ulcères du pied dans les pays industrialisés est estimée entre 3 et 7 % de la population diabétique (1-3) . Une récente enquête menée en France chez des diabétiques de type 2 (étude ENTRED) rapporte que 7% d'entre eux souffrent ou ont souffert (4) au moins une fois dans leur vie d'une plaie du pied.
Le "pied diabétique" est un vrai problème de santé publique par son poids économique et son retentissement grave sur les patients qui en sont atteints, entraînant une dégradation marquée de la qualité de la vie (5) . En France, le coût moyen mensuel de la prise en charge ambulatoire des ulcères du pied est estimé à de 700 euros passant à 1556 euros en cas d'hospitalisation (6) . L'hospitalisation est de fait fréquente : selon Halimi et coll.
(7) , 10% des diabétiques hospitalisés le seraient pour une lésion du pied. Aux Etats-Unis et en Grande
Bretagne, environ la moitié des séjours hospitaliers des patients diabétiques serait motivée par une pathologie du pied (3) . Le pronostic est sévère avec un risque de mortalité doublé chez les diabétiques atteints d'un ulcère du pied par rapport à ceux indemnes de plaie (8) . Ce pronostic est dominé par la récidive et la sur venue d'une amputation des membres inférieurs : plus de la moitié d'entre elles sont réalisées chez les diabétiques et le risque d'amputation dans cette population est multiplié par 10 à 30 par rapport à la population non diabétique (3) . Après amputation, le taux de mortalité est très élevé, comme le confirme une étude anglaise récente où 61% de diabétiques sont décédés dans les cinq ans qui suivent le geste chirurgical (9) .
Cependant, plusieurs études ont montré qu’une organisation efficace de la prévention et des soins, par une approche intégrée, multidisciplinaire, reposant sur l’application de protocoles validés, permet de réduire très significativement l'apparition d'ulcérations du pied et l'incidence des amputations chez les diabétiques et ainsi de diminuer le coût du pied diabétique (10) .
Ainsi Litzelman et coll. dans une étude randomisée et contrôlée aux
Etats-Unis ont montré une diminution significative des lésions sévères du pied dans un groupe de diabétiques de type 2 au moyen d'un programme éducatif centré sur les patients et les acteurs de santé
(11) . McCabe et coll.
(12) grâce à un programme de dépistage et de prise en charge des patients à risque lésionnel sur la base d’un suivi
hebdomadaire au sein d’une "foot clinic", ont pu obtenir sur deux ans une réduction de 31% de la sur venue des ulcères par rapport à un groupe contrôle qui n'avait pas bénéficié de ce programme ; si cette diminution n'était pas significative, par contre le résultat sur les amputations l'était (29% dans le groupe inter vention versus 66% dans le groupe contrôle). Plus récemment,
Dargis et coll. en Lithuanie ont montré dans une étude prospective qu'un programme d'éducation intensive et ciblée associé à des soins préventifs délivrés par une équipe multidisciplinaire, permettait de diminuer le taux de récidive chez des patients ayant souffert auparavant d'ulcères neuropathiques du pied (13) . Patout (14) avec un programme similaire et différencié en fonction de la graduation du risque (éducation, soins de podologie, appareillage adapté, suivi rapproché) visant à la prévention des amputations dans une population de faible niveau socio-économique, a pu réduire considérablement la durée d'évolution des ulcères, la fréquence et le temps d'hospitalisation, les prescriptions d'antibiotiques, la fréquence des amputations et le nombre de journées d'arrêt de travail.
Enfin, la diminution de 34% de l'incidence des amputations chez les diabétiques notée aux Pays-Bas sur la période 1991 à 2000 a été rapportée à une politique de santé plus volontaire tournée vers la pathologie du pied chez le diabétique avec notamment le développement de structures spécialisées et l'augmentation du recrutement de podologues dans les hôpitaux (15) . Des constatations similaires avaient été rapportées précédemment en Suède (16) .
13.
Dargis V, Pantelejeva O, Jonushaite A,
Vileikyte L, Boulton AJM. Benefits of a multidisciplinar y approach in the management of recurrent diabetic foot ulceration in Lithuania. A prospective study. Diabetes Care 1999;
22: 1428-1431.
14.
Patout CA, Birke JA, Horswell R, Williams D,
Cerise FP. Effectiveness of a comprehensive diabetes lower-extremity amputation prevention program in a predominantly low-income African-
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15.
Van Houtum WH, Rauwerda JA, Ruwaard D,
Schaper NC, Bakker K. Reduction in diabetesrelated lower-extremity amputations in the
Netherlands: 1991-2000. Diabetes Care 2004;
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16.
Larsson J, Apelqvist J, Agardh C-D, Stenström
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1995; 12: 770-776.
> IMPLICATIONS ECONOMIQUES
Malgré le coût énorme du pied diabétique et l'efficacité des mesures de prévention et de soins, les études visant à apprécier le bénéfice économique sont rares. Dans l'étude de McCabe, le programme de prévention semble efficace en terme de coût, en raison essentiellement du nombre d'amputations
évitées (12) .
A partir d'une simulation sur 5 ans sur une population de 1677 diabétiques suédois, fondée sur un modèle de Markov, il apparaît que si une stratégie de prévention intensifiée permet de réduire de 25% le risque d'ulcérations et d'amputations, le rapport coût-efficacité est alors positif chez tous les patients présentant au moins un facteur de risque d'ulcération (17) . Une
étude similaire faite récemment aux Pays-Bas aboutit à des conclusions voisines : une prise en charge optimale associée à un équilibre glycémique strict s'accompagne d'un rapport coût-efficacité favorable pour une réduction du risque d'ulcération à partir de 10 % (18) .
17.
Ragnarson Tennwall G, Apelqvist J. Prevention of diabetes-related foot ulcers and amputations: a cost-utility analysis based on Markov model simulations. Diabetologia 2001; 44: 2077-2087.
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5
19.
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> RAPPEL
PHYSIOPATHOLOGIQUE
>FACTEURS PATHOGÉNIQUES
Trois mécanismes, diversement associés, peuvent être impliqués (19) :
1. La neuropathie peut associer 3 types d'atteinte :
- les troubles de la sensibilité (tactile, thermique, algique, profonde) : c'est cette atteinte sensitive qui est la plus fréquente et qui fait toute la problématique du pied diabétique (20) ,
- le déficit moteur responsable d'un déséquilibre entre les muscles extenseurs et les fléchisseurs du pied entraînant des déformations,
- l'atteinte végétative, autonome, source de sécheresse cutanée, d'oedèmes et de troubles vasomoteurs (ouvertures de shunts artério-veineux, perte de la vasomotricité des capillaires).
Le pied "neuropathique" est donc à haut risque d'ulcération : du fait de l'atteinte sensitive, les microtraumatismes lors de la marche sont ignorés par le patient (perte de la "sensibilité de protection"), qu'il s'agisse de friction et de frottement du pied dans une chaussure mal adaptée ou d'hyperpression favorisée par les défor mations liées à l'atteinte motrice
(proéminence de la tête des métatarsiens). L'ulcération est d'autant plus facile à se constituer que la peau est fragilisée du fait de l'atteinte du contingent végétatif. Ainsi, peut se constituer un mal perforant plantaire, lésion typique de l'atteinte neuropathique, caractérisé par son indolence, son aspect "à l'emporte pièce" et son siège de prédilection sur la face plantaire de l'avant-pied, en regard de la tête des métatarsiens. A l'extrême, la neuropathie peut aboutir à des déformations sévères du pied avec atteinte osseuse (ostéoarthropathie ner veuse) et constitution d'un pied de
Charcot.
2. L'ischémie
(21, 22)
résulte essentiellement de la macroangiopathie.
L'artériopathie des membres inférieurs est plus fréquente et de localisation plus diffuse et plus distale que chez le non-diabétique. Son évolution est plus grave, souvent indolore du fait de la neuropathie fréquemment associée, sans claudication intermittente. Elle peut être révélée par un trouble trophique. Les autres facteurs de risque vasculaire classiques (tabac - HTAdyslipémie) ont ici une place essentielle. En revanche l'atteinte microcirculatoire joue un rôle beaucoup moins important qu'il n'était admis, comme en attestent les bons résultats des pontages distaux.
3. L'infection n'est pas un facteur direct d'ulcération mais en complique le traitement et en aggrave le pronostic, étant un facteur de risque indépendant d'amputation.
6
Elle peut être superficielle mais son risque est lié à sa diffusion profonde aux structures sous-cutanées, muscles, tendons, articulations et os.
L'infection est très souvent polymicrobienne chez le diabétique et de diffusion rapide. Elle est favorisée par le déséquilibre glycémique qu'elle aggrave. Il en est de même des mycoses.
Le Groupe International de Travail sur le Pied Diabétique a proposé une classification clinique de la sévérité de l'infection en 4 stades.
[Annexe 1] (23)
Les mycoses cutanées et unguéales sont également fréquentes et de traitement difficile.
> FACTEURS DÉCLENCHANTS
Les lésions du pied sont très souvent occasionnées par des traumatismes mineurs. Les facteurs déclenchants les plus fréquemment en cause sont :
- des chaussures inadaptées aux déformations du pied (hallux valgus, orteils en griffe), la présence de corps étrangers dans la chaussure, des soins inadaptés, des sources de chaleur non perçues
- une hyperpression répétitive lors de la marche : l'ulcère siège alors souvent sur la plante du pied, en regard des têtes des métatarsiens ; les forces transversales de cisaillement jouent également un rôle important.
La figure 1 résume les différents mécanismes et les facteurs impliqués dans la sur venue d'une ulcération du pied chez le diabétique.
Diabète sucré
23.
International Working Group on the Diabetic Foot.
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http://www.diabetic-foot-consensus.com.
Neuropathie
Artériopathie
MOTRICE
Déformation
Hyperpression
SENSITIVE
VEGETATIVE
Perte de la sensibilité de protection
Anhidrose
Fragilité cutanée
MACROANGIOPATHIE
MICROANGIOPATHIE
Ischémie
???
Diminution des apports
TRAUMATISME
ULCERATION
INFECTION
AMPUTATION
Figure 1 : Mécanismes physiopathologiques de l'ulcération du pied chez le diabétique
7
24.
Boyko EJ, Ahroni JH, Stensel V, Forsberg RC,
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http://www.diabetic-foot-consensus.com
8
> DEPISTAGE DU
RISQUE PODOLOGIQUE
Cette stratégie repose sur la reconnaissance des facteurs de risque.
Le dépistage du risque est placé essentiellement sous la responsabilité des médecins traitants. Un bilan podologique doit le compléter.
Le dépistage doit répondre aux quatre questions suivantes:
1. Le patient a t’il un antécédent d’ulcération chronique du pied ou d’amputation ?
Un antécédent d'ulcération ou d'amputation augmente de façon très importante le risque d'une nouvelle ulcération et d'une amputation (24) ; ainsi,
34% des patients présenteraient un nouvel ulcère dans l'année qui suit la cicatrisation de l'ulcère initial et ce taux s'élève à 70% sur un suivi de cinq ans (16, 25) .
2. A t’il une perte de la sensibilité ?
La perte de sensibilité est définie par une mauvaise perception du monofilament de 10 g (Semmes-Weinstein 5.07) [Annexe 2], considéré comme l'instrument de dépistage le plus simple et le plus performant (26) . Le risque d’ulcération est multiplié par 10 et le risque d’amputation par 17 en cas d’anomalie de ce test (27) .
Le test au diapason a été proposé par certains.
(28) mais sa valeur prédictive est moins bien étayée.
3. A t’il une artérite ?
L'identification d'une artériopathie des membres inférieurs s'appuiera sur la recherche des pouls pédieux et tibiaux postérieurs et les examens complémentaires comme le calcul de l’indice de pression systolique au moyen d'un appareil à effet Doppler de poche ; cependant, cet index peut
être faussé par la présence fréquente d'une médiacalcose (29) .Le délai de recoloration du gros orteil aprés sa pression est un élément clinique assez fiable, bien que non validé par des études prospectives. Ce délai est considéré comme normal s'il est inférieur à 5 secondes et comme pathologique au delà, la manoeuvre étant réalisée sur un sujet en décubitus. Ce test ainsi que la température des extrémités doit être recoupé avec les autres témoins éventuels de l'artériopathie.
4. A t’il des déformations des orteils, des pieds, des proéminences des têtes métatarsiennes et des troubles de la marche ?
Il est capital que les pieds de tout diabétique soient examinés régulièrement, ce qui n'est pas le cas actuellement, comme le confirme l'étude
ENTRED (4) .
Ce dépistage permet de grader le risque selon une classification proposée par le groupe international du pied diabétique (30) et ainsi de définir une stratégie de prévention adaptée [Annexe 3]. Cette classification est validée
par une étude prospective publiée en 2001 (31) : sur un suivi moyen de 3 ans, le taux d'ulcération dans une population indemne d'ulcère était de 5% pour le grade 0, 14% pour le grade 1, 19% pour le grade 2 et 56% pour le grade 3.
> PREVENTION
(30, 32-35)
La prévention repose d'une part sur l'éducation du patient (et de tous les acteurs de santé impliqués dans la prise en charge du pied diabétique) et d'autre part sur une prise en charge podologique adaptée.
Elle a pour but de réduire le taux d’ulcérations du pied et donc d’amputations : 85 % des amputations sont en effet précédées d’une ulcération.
> L'EDUCATION
L’éducation implique tous les acteurs de santé et doit s’adresser au patient et à son entourage. Elle a pour but l’acquisition d’un savoir, d’un savoir faire et d’un changement des comportements à risque. Les messages
éducatifs seront personnalisés, adaptés aux besoins et aux attentes de chaque individu, en tenant compte pour le soignant des difficultés comme l’âge, la surdité, la baisse de la vue…
Le patient doit être actif et non passif dans cette relation d’éducation.
Une évaluation doit être faite régulièrement et les messages répétés par tous les acteurs de santé impliqués : d'où l'importance de la cohérence et de l'homogénéité dans le discours éducatif.
L’éducation portera sur :
- la prise de conscience de la perte de sensibilité et des risques en résultant,
- la prise de conscience d’une mauvaise vascularisation et des risques en résultant,
- les situations à risque,
- l’aptitude à l’auto examen des pieds,
- le chaussage,
- l’hygiène et l’entretien des pieds (ongles, hyperkératoses, mycoses).
Les principaux messages éducatifs figurent dans les annexes 4 et 5.
31.
Peters EJG, Laver y LA. Effectiveness of the diabetic foot risk classification system of the International
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> LA PRISE EN CHARGE PODOLOGIQUE
Le rôle du podologue est fondamental dans la prévention primaire (36) ou secondaire : récemment, il a été montré que le taux de récidive des ulcères
(prévention secondaire) était significativement inférieur dans un groupe suivi par des podologues entraînés comparé à un groupe n'ayant pas bénéficié de prise en charge podologique (37) .
1. Les soins de podologie
Ils sont essentiels pour procéder à l’ablation des hyperkératoses liées à des hyperpressions locales et au traitement des ongles. L'exérèse de l'hyperkératose est fondamentale, car la callosité ne fait qu'augmenter encore l'hyperpression locale et favoriser la sur venue d'une ulcération (38, 39) .
La fréquence des soins doit être adaptée à la gradation du risque podologique. Ils doivent respecter les mêmes règles d’hygiène et de sécurité que pour tout autre patient.
2. Les orthoplasties
Elles sont destinées à réduire les pressions à risque au niveau des orteils et à combler les espaces liés aux amputations. Leur efficacité, pour le pied diabétique, reste à étayer par des études cliniques.
Ces orthèses sont moulées (en charge et dans la chaussure si possible) en
élastomère de silicone, dont la dureté shore (indice de compressibilité) est adaptée à la gradation du risque. Elles sont amovibles, lavables et modifiables suivant l’évolution de la pathologie.
3. Les orthèses plantaires
Elles visent à répartir les pressions et limiter les frottements. Elles sont réalisées après examen clinique par le podologue.
Les orthèses appliquées aux pieds du patient diabétique sont thermoformées. Elles ont pour but de diminuer, voire de supprimer les conséquences des anomalies biomécaniques, statiques et dynamiques. Ces anomalies se traduisent par des contraintes de pression et sont déterminantes dans l’apparition des maux perforants lorsqu’elles sont associées à une neuropathie
(39) .
En France, la prescription des orthèses plantaires par un médecin, sans obligation de spécialisation particulière, est indispensable pour la prise en charge par les organismes sociaux ; les orthèses sont réalisées par thermoformage par un podologue après examen clinique minutieux, comportant obligatoirement un examen podoscopique (40) ou une mesure des pressions plantaires par podobarométrie informatisée.
Les orthèses plantaires, à porter en permanence, sont utilisées dans le cadre de la prévention primaire et secondaire. Leur efficacité, reconnue par les experts, demanderait à être étayée par des études cliniques notamment
à l'aide de mesures par podobarométrie électronique avec semelles munies de capteurs embarquées dans les chaussures.
10
Utilisation en prévention primaire : Le pied est une interface entre le sol et l’individu en mouvement. Il est donc soumis aux lois de la physique.
L’énergie cinétique, augmentant rapidement avec le mouvement, se traduit par des pressions plantaires et des hyperpressions dans le cas d’anomalies biomécaniques de la marche. Ces hyperpressions localisées des téguments plantaires sont donc une cause importante de formation de maux perforants plantaires telles qu’elles le sont dans l’apparition d’escarre. Ces anomalies biomécaniques ont pour conséquence directe un mauvais travail articulaire, péri-articulaire, musculaire et entraînent des transmissions de force vers des zônes inaptes à les recevoir.
Suivant les risques liés à la neuropathie ou à l’artériopathie on adoptera des techniques et des matériaux différents (41, 42) .
Utilisation en prévention secondaire : Les statistiques montrent la fréquence de la récidive des maux perforants plantaires. On se concentrera sur la décharge de la ou des zones à risques, pour transférer les pressions sur la plus grande surface possible. Le cas échéant, les corrections des troubles dynamiques doivent se faire avec le moins de contrainte de pression possible.
Le choix de dureté des matériaux dépend du poids du patient et des corrections qui s’imposent.
La question à se poser n’est donc pas de savoir ce que l’on met sous la zone
à risque mais bien ce que l’on met sous tout le reste !
Le moulage des matériaux thermoformables ou la prise d’empreintes en
3 dimensions doivent se faire en charge :
- soit dans des boîtes de polyuréthane expansé ; le négatif obtenu permet d’obtenir un positif sur lequel est moulé un matériau thermoformable, sous vide par exemple.
- soit sur des poches silicone, contenant des microbilles, reliées à une pompe à vide. Le dispositif permet de s’assurer de la bonne position du pied du patient avant de "fixer" l’empreinte en négatif ; le matériau thermoformable sera moulé dans cette empreinte avec le patient en charge par-dessus.
Le suivi : Il est d’autant plus nécessaire que le risque podologique est
élevé. Si un patient est inapte à l’auto-sur veillance podologique, celle-ci doit pouvoir être faite par un tiers. En cas de rougeur, conflit avec l’orthèse, le port de celle ci sera interrompu et une modification rapidement faite.
Les orthèses doivent être portées en permanence, y compris au domicile.
Leur "durée de vie " maximale est d’un an.
En conclusion, les orthèses plantaires ont un rôle capital dans le devenir du patient diabétique à risque podologique, tant en prévention primaire qu’en prévention secondaire. La précision et la reproductibilité des techniques doivent primer. D’autres paramètres doivent être également pris en compte : le chaussage, la compréhension des modalités de sur veillance de la part du patient, souvent peu compliant, ou de son entourage, son éloignement par rapport à une structure de soins, sa capacité de déplacement, …
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4. Les chaussures adaptées
Elles doivent avoir un volume intérieur suffisant pour loger sans contrainte le pied et son appareillage.
Il en existe trois types :
- Les chaussures de série [Annexe 6] ; les chaussures de sport, lorsqu’elles sont adaptées aux pieds à risque (43, 44) peuvent être conseillées : elles sont très appréciées par les patients,
- Les chaussures thérapeutiques : commercialisées par plusieurs marques, il s'agit en général de modèles de bonne qualité, bien étudiés, dont certains se sont révélés efficaces dans des programmes de prévention (45,
46) . En France, certaines sont (très) partiellement prises en charge par la
Sécurité Sociale, au titre des "chaussures thérapeutiques de série à usage prolongé (CHUP)" (47) mais elles restent pour la très grande majorité des patients d'un coût trop élevé.
- Les chaussures sur mesure dites "orthopédiques" : destinées aux patients dont les pieds, indemnes de plaie, ne peuvent être chaussés ni par des chaussures de série ni thérapeutiques, elles s'adressent avant tout à ceux ayant des déformations très importantes et doivent comprendre une orthèse plantaire. En plus des caractéristiques décrites pour les chaussures de série, elles doivent être fabriquées en cuir souple et sans bout dur. Elles sont réalisées par un podo-orthésiste agréé et sur prescription médicale détaillée (47) . Elles sont prises en charge à 100 % par l’assurance maladie.
5. Les obstacles aux mesures podologiques
Ils sont de plusieurs ordres :
- Il s'agit d'abord d'un problème financier compte tenu du faible remboursement des soins de podologie et des chaussures thérapeutiques.
- Il existe ensuite un problème d'information : encore trop de thérapeutes sous-estiment l'intérêt de la prise en charge podologique préventive.
- Le problème est aussi celui de la motivation du patient pour qui les bénéfices à long terme ne sont pas toujours évidents alors que les inconvénients immédiats (notamment esthétiques pour les chaussures) le sont.
En fait, le problème essentiel est celui de la compliance à la prescription et à l'utilisation des orthèses et chaussures orthopédiques : plusieurs
études montrent en effet que cette compliance thérapeutique est mauvaise.
Ainsi, dans une étude anglaise, seuls 22% des patients portaient régulièrement leurs chaussures thérapeutiques ou sur mesure alors même qu'elles leur avaient été fournies gratuitement (48) . Des résultats plus encourageants ont cependant été rapportés, grâce à une meilleure implication du patient dans la prescription, une meilleure information sur l'importance d'un chaussage adapté et les conséquences délétères d'une mauvaise compliance et grâce à un suivi régulier (49, 50) .
> PRISE EN CHARGE
DES ULCERATIONS
Toute ulcération du pied à risque doit être considérée comme une urgence médicale. La prise en charge doit être rapide et efficace.
> L'EVALUATION DE LA PLAIE
C'est la mesure fondamentale qui orientera la prise en charge et ser vira de référence pour l'évolution.
Elle doit préciser notamment :
- la nature de la plaie (neuropathique, ischémique ou mixte),
- son stade et son contenu (tissu de granulation, foyers de nécrose, présence de "tissu fibrineux") : on pourra recourir à une échelle colorielle
(noir = nécrose, jaune = tissu fibrinoïde, rouge = bourgeonnement) et quantifier les différents composants en pourcentage total de la plaie ou sous forme de croix.
- l'existence ou non d'une infection [Annexe 1],
- sa surface et son extension en profondeur. La surface sera mesurée après détersion (cf. infra) de façon grossière en multipliant sa longueur par sa largeur ou mieux par la méthode de décompte des carrés ou grâce à un logiciel informatique, à partir d'un calque quadrillé sur lequel sera tracé le contour de la plaie (51, 52) ; la répétition des calques au cours du temps permettra de plus de juger par comparaison de l'évolution de la plaie. La prise de photographies digitalisées est également un bon moyen de documenter l'évolution locale mais est plus onéreuse et demande une certaine expertise.
- La profondeur de la plaie sera estimée par une sonde stérile ou un cathéter : ce sondage permettra de plus de rechercher un contact osseux qui, s'il est présent, est hautement prédictif d'une ostéite (53) .
A la fin de ce bilan, la plaie sera classée selon un système qui peut aider
à décider de l'approche thérapeutique et donner un pronostic. Deux systèmes sont couramment utilisés : celui de Wagner (54) et celui de l'Université du Texas (55) . La classification de Wagner a l'inconvénient de ne pas prendre en compte spécifiquement deux paramètres importants, à savoir l'ischémie et l'infection ; de plus, il n'est pas validé sur le plan pronostique pour les ulcères du pied chez le diabétique. Celui de l'Université du Texas est à double entrée, fonction d'une part de la profondeur de l'atteinte et d'autre part de l'existence ou non d'une ischémie et/ou d'une infection : cette classification a été en outre validée comme prédictive du taux d'amputation (56) . Ces deux systèmes de classification figurent dans l'annexe 7.
51.
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> LE TRAITEMENT DE LA PLAIE
Il comprend un traitement général et local ainsi que la décharge de la plaie
(57) .
1. Le traitement général
Il doit viser à :
- Obtenir un équilibre glycémique optimal, afin de ne pas favoriser le développement d'une infection (cf. supra), au moyen le plus souvent d'une insulinothérapie pluriquotidienne.
- Lutter contre une éventuelle infection par une antibiothérapie générale adaptée : le diagnostic d'une infection est clinique [Annexe 1] et les résultats des prélèvements bactériologiques ne sont là que pour guider le traitement : c'est dire qu'il n'est pas indiqué de faire des prélèvements en cas de plaie non suspecte cliniquement d'être infectée (58, 59) . La technique de prélèvement est détaillée dans l'annexe 8.
- Restaurer un apport artériel satisfaisant : l'ischémie est un facteur de non-cicatrisation et en outre aggrave une éventuelle infection en raison du mauvais passage des antibiotiques au sein du tissu infecté. Ainsi, devant toute plaie à participation artérielle, un bilan vasculaire doit être réalisé et un avis spécialisé s'impose dans l'hypothèse d'un éventuel geste de revascularisation (pontage ou angioplastie) ; c'est dans ce cas que sera programmée une artériographie. De même, devant une plaie a priori neuropathique qui n'a pas tendance à cicatriser malgré un traitement bien conduit, il faut rechercher de façon systématique une participation ischémique cliniquement silencieuse.
- Lutter contre l'œdème : une étude randomisée et contrôlée a montré que la résorption des oedèmes associée à une détersion de la plaie permettait d'obtenir à la 12e semaine un pourcentage plus élevé de cicatrisation qu'avec la seule détersion (60) .
- S'assurer d'un apport nutritionnel adéquat : la malnutrition protéino-énergétique (MPE) augmente le risque de retard à la cicatrisation et d'infection
(61) et aggrave le pronostic des amputations des membres inférieurs. Dans une étude récente, un tiers des patients souffrant d'un ulcère du pied, présentaient une MPE sur la base de l'examen clinique et des marqueurs biologiques nutritionnels (62) : cependant, en raison de problèmes méthodologiques, il n'a pas pu être mis en évidence d'amélioration de la cicatrisation dans un groupe recevant une supplémentation orale par rapport à celui n'en recevant pas. Quoi qu'il en soit, comme tout patient diabétique, ceux présentant une plaie doivent être éduqués sur le plan nutritionnel de façon à assurer un apport nutritionnel équilibré et adapté, éviter ou minimiser les fluctuations glycémiques, contrôler les facteurs de risques vasculaires y compris l’hypertension artérielle et renforcer les défenses de
14
l'organisme. Il est nécessaire qu’un diététicien évalue les habitudes alimentaires de ces patients afin qu’un bilan nutritionnel soit dressé de façon à mettre en évidence certaines carences nutritionnelles : en particulier, le statut des micronutriments inter venant dans la cicatrisation comme la vitamine C, A, E, le fer et le zinc doit être correct. Un apport protidique journalier suffisant (1,2 à 1,5 g/kg/jour) associé à un apport calorique satisfaisant est également important dans l'optique d'améliorer la cicatrisation.
- Prendre en charge la douleur : la neuropathie est souvent cause de douleurs dans les membres inférieurs (qui contrastent avec l'indolence de la plaie) qui peuvent être très sévères (neuropathie hyperalgique) ; l'ischémie s'accompagne de violentes douleurs tant au repos que lors des soins. Gérer la douleur est fondamental et faisable avec les moyens thérapeutiques actuels (antalgiques banals, antidépresseurs, antiépileptiques, opiacés, …). En ce qui concerne les soins de la plaie, si douloureux en cas d'ischémie, on pourra faire appel à un anesthésique local (lidocaïne,
Emlar®) ; le mélange équimolaire d'oxygène et de protoxyde d'azote
(Kalinox®) serait une alternative intéressante (63) .
- Vérifier le statut vaccinal contre le tétanos (64 ).
2. Les soins locaux
Les objectifs principaux sont ici :
- d'aider à la cicatrisation,
- de prévenir les complications,
- d'améliorer le confort du patient et sa qualité de vie,
- de prévenir les récidives.
Une chronologie doit être respectée lors de la réalisation des soins.
- L’hygiène rigoureuse : Elle s’adresse au soignant (nettoyage des mains, port de gants), au patient (douche, toilette quotidienne).
- Le nettoyage de la plaie avant détersion : La plaie doit être nettoyée à chaque pansement, avant tout soin. Elle pourra être nettoyée à l’eau et au savon si le type de plaie le permet, puis rincée au sérum physiologique.
Les irrigations sous pression avec une douche ou une seringue peuvent s’avérer utiles pour un lavage soigneux.
L'utilisation prolongée des antiseptiques (polyvidone iodée, solution de
Dakin, eau oxygénée, chlorhexidine, …) n'est pas recommandée (65) même en cas de plaie infectée, en raison de leur action toxique sur les cellules en croissance (du moins in vitro), de la possibilité de réactions allergiques de contact, de l'induction d'un déséquilibre de l'écosystème bactérien local qui joue un rôle dans la cicatrisation et de la possibilité de sélection de germes résistants. Enfin il existe des incompatibilités avec certains pansements.
63.
Barbier E, Guitet L. Utilisation du Kalinox®.
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64.
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65.
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Hinshaw/Lar val-Therapy-Human-
Toutefois si l’utilisation d’antiseptiques a été mise en place, il faudra veiller
à systématiquement rincer la plaie après leur emploi. On évitera les antiseptiques colorés qui masqueraient éventuellement une inflammation.
- La détersion de la plaie : c'est un geste capital (66-68)
- La détersion mécanique est la technique recommandée, du moins en cas d'ulcères neuropathiques : elle doit être systématique dans ce type d'ulcération, afin de réduire les pressions, d’évaluer la dimension réelle de l’ulcère, de limiter l’infection, de favoriser les processus de cicatrisation en avivant l’ulcère. La détersion mécanique, réalisée au moyen d'un bistouri, de ciseaux ou d'une curette devra être poussée jusqu'à obtenir un véritable débridement de la plaie qui peut être hémorragique. Les séquestres osseux qui pérennisent l'infection doivent être retirés à la pince.
Dans les plaies ischémiques, la détersion devra être particulièrement prudente voire contre-indiquée, sauf en cas de nécrose sous tension inflammatoire et douloureuse.
- La détersion enzymatique n’est plus utilisée dans les ulcères du pied diabétique.
- La détersion autolytique est le mécanisme par lequel l'organisme par luimême détruit le tissu nécrotique par des mécanismes cellulaires et la sécrétion d'enzymes protéolytiques in situ. Cette détersion est favorisée en milieu humide : c'est la base de l'utilisation des hydrogels comme agents de détersion. Cette méthode est indiquée pour les plaies sèches, nécrotiques ou qui contiennent une grande quantité de tissu fibrinoïde. La sélectivité est un avantage de cette méthode mais la lenteur de la détersion est un de ses inconvénients ; en outre, leur forte teneur hydrique peut être cause de macération. Elle est utilisée dans les plaies neuropathiques ou ischémiques.
- La détersion bio-zoologique est fondée sur l'utilisation de lar ves de
Lucilia (ou Phaenicia) sericata (asticots) qui, par la sécrétion d'enzymes protéolytiques, transforment les tissus nécrosés en une substance semiliquide qu'elles ingèrent. Les lar ves auraient également des propriétés antimicrobiennes, notamment contre les SARM, et favoriseraient la croissance du tissu de granulation, peut-être de façon mécanique par leurs mouvements de reptation sur le lit de la plaie (69) .
- La momification de la plaie : en cas de plaie ischémique, chaque fois que cela est possible, on tentera de transformer une nécrose humide en nécrose sèche pour aboutir à un phénomène de momification et d’autoamputation d’un ou plusieurs orteils. L’orteil est enveloppé dans une compresse imbibée d’un produit assèchant (fluorésceïne aqueuse à 1%, polyvidone iodée, Pulvo 47, …).
16
- Le pansement : le choix dépend du stade et de l'aspect de la plaie.
Plusieurs centaines de pansements sont actuellement commercialisés et il est bien difficile de se faire une idée précise de leurs propriétés et de leurs avantages respectifs. Si la plupart des pansements actuels ont été développés sur des arguments théoriques solides et que le pansement fait partie intégrante du traitement du pied diabétique, les preuves scientifiques manquent cruellement pour affirmer leur influence bénéfique sur la cicatrisation (70). En outre, la plupart des études récemment réalisées portent presque exclusivement sur des ulcères superficiels, neuropathiques, non infectés et les résultats ne peuvent être extrapolés aux autres types d'ulcères qui forment la majorité de ceux rencontrés en pratique clinique (70). Enfin, aucun pansement ne réunit à lui seul tous les critères d'un pansement idéal tel que l'a défini le Groupe International de Travail sur le Pied Diabétique (70). Le choix d'un pansement est donc actuellement moins une réflexion étayée par des preuves scientifiques qu'un acte fondé sur des expériences personnelles (70, 71). Néanmoins, certains arguments théoriques peuvent guider la sélection. Le principe de base est de maintenir au niveau de la plaie un milieu humide qui favorise la cicatrisation (72).
- Les films semi-perméables n'ont pas de pouvoir d'absorption : ils seront utilisés avant tout dans les plaies superficielles, non exsudatives en phase finale d'épithélialisation.
- Les hydrogels ont un contenu en eau très important (jusqu'à 90% de leur poids). Leur pouvoir de détersion, limité, autorise leur utilisation dans les plaies ischémiques. Ils sont surtout utilisés en cas de nécrose sèche ou de plaies fibrineuses peu exsudatives. Essentiellement sous forme de gel, ils nécessitent un pansement secondaire non absorbant.
- Les alginates, plus ou moins chargés en hydrocolloïde sont des extraits d'algues marines dont les propriétés varient en fonction de leur composition en sels d'acide alginique. Ils ont un pouvoir d'absorption relativement important et certains ont de plus des propriétés hémostatiques. Ils sont utilisés préférentiellement dans les plaies moyennement exsudatives, en phase de détersion ou bourgeonnantes. Ils peuvent être utilisés en cas de plaies ischémiques.
- Les hydrocolloïdes se composent de polymères de carboxyméthylcellulose associés à de la pectine ou de la gélatine. Utilisés dans les ulcères du pied diabétique, ils ont été rendu responsables d'augmenter la fréquence des infections, ce qui ne semble pas évident avec le recul du temps (70). Par contre, au contact de l'exsudat, ils se délitent formant un gel verdâtre et souvent malodorant qui peut en imposer pour une infection.
Ils peuvent en outre favoriser la macération et ne doivent donc pas être
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utilisés en cas d'exsudation importante. Leurs avantages principaux résident dans la facilité d'utilisation, le peu de volume qu'ils occupent permettant le chaussage et le fait qu'il n'y a pas nécessité de les changer tous les jours. Ils sont tombés quelque peu en désuétude et ne doivent plus être utilisés notamment sur les plaies ischémiques.
- Les hydrofibres : celles-ci sont des polymères d'hydrocolloïdes mais filés en fibres, limitant ainsi le risque de macération. Elles peuvent être utilisées dans les plaies exsudatives et ischémiques.
- Les hydrocellulaires sont formés d'un film semi-perméable externe, d'une couche très absorbante intermédiaire et d'une zone de transfert interne, au contact de la plaie. Leur forte capacité d'absorption les font utiliser dans les plaies très exsudatives et/ou en cas de macération de la zone péri-ulcéreuse. Leur utilisation est proscrite dans les plaies ischémiques.
- Les pansements d'interface n'ont aucune propriété d'absorption. Il s'agit soit de pansements gras à base de vaseline ou de paraffine, soit de pansements inertes enduits de silicone. Ils sont surtout utilisés en fin d'épidermisation de la plaie ou dans des ulcères très superficiels, sans exsudation.
Ils peuvent être utilisés dans tous les types de plaies sans risque d’aggravation.
- Les pansements au charbon et/ou à l'argent ont comme but d'être utilisés en cas d'infection, le charbon permettant d'éliminer les odeurs désagréables (73) et l'argent ayant des propriétés antibactériennes (74) . L'argent, inerte sous sa forme métallique, est activé en s'ionisant au contact de l'exsudat mais la cinétique de libération et les effets anti-bactériens sont très différents d'un pansement à l'autre, en fonction de la forme physique sous lequel est conditionné l'argent, de sa concentration et du volume d'exsudat absorbé (74, 75) . L'argent peut se déposer dans le derme, au niveau de la plaie (argyrie) et être absorbé par voie systémique mais le risque semble peu important (75) ; de même, les cas d'allergie sont exceptionnels. Quoi qu'il en soit, les données sont trop rares pour définir avec précision leur
éventuelle application chez le diabétique.
- Les pansements contenant de l'acide hyaluronique, composant physiologique abondant de la peau, sont fondés sur les propriétés hygroscopiques importantes de cette molécule. Elles favoriseraient la croissance des fibroblastes et la formation de la matrice extracellulaire. Ici aussi, les données cliniques manquent pour préciser leurs indications chez le diabétique.
A côté de ces pansements, ont été développés des traitements locaux de haute technologie :
- La bécaplermine (Régranex®) est un facteur de croissance, le PDGF-BB, dont le rôle est crucial dans la cicatrisation. Obtenu par génie génétique, il est conditionné sous forme de gel. Son efficacité a été démontrée en termes de taux et de vitesse de cicatrisation dans le traitement des ulcères
18
neuropathiques du pied chez le diabétique (76, 77) . L'AMM en France le réser ve à cette indication pour des plaies non infectées dont la surface n'excède pas 5 cm 2 ; la durée maximale du traitement est de 20 semaines;
Le coût élevé de ce produit ne doit pas le faire prescrire en première intention.
- Les substituts cutanés sont des produits de bio-ingénierie par élaboration in vitro de tissu cutané à partir de cellules vivantes mises en culture. Le
Dermagraft® est un substitut dermique élaboré à partir de fibroblastes de prépuces de nouveaux-nés dont l'efficacité a été prouvée sur les plaies neuropathiques du pied chez le diabétique (76) . L'Apligraf® est un substitut dermo-épidermique issu des cultures de fibroblastes et de kératinocytes néo-natals sur un support de collagène bovin : il s'est également montré efficace dans une étude randomisée en double aveugle, contre placebo pour augmenter le taux et la vitesse de cicatrisation des ulcères neuropathiques du diabétique (76) . Ces substituts ne sont cependant pas disponibles en France et ont un coût très élevé.
- Les inhibiteurs des métallo-protéases agissent en bloquant l'effet délétère qu'ont ces enzymes sur la cicatrisation et notamment sur la dégradation in situ des facteurs de croissance. Promogran® est le premier de ces inhibiteurs a être commercialisé. Dans une étude randomisée et en double aveugle menée sur 12 semaines, il a permis d'obtenir un taux de cicatrisation plus élevé que le placebo dans les ulcères neuropathiques diabétiques bien que la différence n'ait pas été statistiquement significative (78) .
D'autres approches sont actuellement développées mais n'ont pas été validées : cicatrisation assistée par le vide ou VAC (79) , ultrasons, laser, courant électrique ou électromagnétique, "warm-up therapy", miel, … (76) .
L'oxygénothérapie hyperbare est également discutée, bien que récemment un effet favorable ait été mis en évidence chez le diabétique (80) .
Le choix d'un pansement sera donc fonction :
- de son pouvoir absorbant, pour obtenir un milieu humide sans macération,
- de son pouvoir détersif,
- éventuellement de son pouvoir bactériostatique,
- et de sa conformation à la forme de la plaie : compresse, mèche, gel…
On respectera quelques grands principes résumés dans le tableau ci-dessous :
Caractère de la plaie
Bourgeonnante et peu exsudative
Très exsudative
Fibrineuse et exsudative
Fibrineuse et sèche
Malodorante
Pansement de 1e intention
Hydrocellulaires
(sauf si plaie ischémique),
Interfaces
Hydrofibres
Alginates,
Hydrofibres
Hydrogels,
Acide hyaluronique
Charbon, Argent
76.
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- La fermeture du pansement : On veillera à bien séparer les orteils entre eux pour éviter la macération et par conséquent l’apparition de plaies secondaires. Les pansements adhésifs doivent être proscrits sur des peaux fragilisées. Le bandage est la méthode de référence ; il doit être large et peu compressif pour éviter l’effet garrot ; il peut être mal toléré en cas d’artérite.
- Le pansement sera refait tous les jours si nécessaire, ou tous les deux jours en fonction de l’évolution de la plaie.
- La prescription doit être la plus détaillée possible : "pansement complexe nécessitant une détersion mécanique".
Il est indispensable d’établir un carnet ou une fiche de suivi afin d’assurer une continuité des soins entre les différents acteurs de santé prenant en charge un patient.
3. La décharge de la plaie
La décharge, consistant à éviter toute contrainte mécanique au niveau de la plaie, est essentielle pour la cicatrisation et doit être prescrite dès la première consultation. Il faut ainsi considérer qu'une plaie non déchargée est une plaie non traitée (81-84) . Plusieurs moyens et techniques peuvent
être proposés, en fonction de la localisation de l'ulcère, de l'activité physique du patient et de son acceptation.
- L'alitement : C'est sûrement l'approche la plus radicale mais difficile à faire accepter et peu réaliste sur une période prolongée. Il doit être imposé lors des cas sévères, associé à l'utilisation d'un fauteuil roulant ou de béquilles pour les besoins d'hygiène. L'immobilisation impose un traitement préventif des phlébites par héparine de bas poids moléculaire, traitement qui en outre améliore l'évolution des ulcères en cas d'artériopathie périphérique (85) . A moyen terme, d'autres solutions doivent être envisagées.
- Les cannes, béquilles et déambulateur : Ils sont difficiles à mettre en pratique chez le diabétique en raison des troubles sensitifs superficiels et profonds, conséquences de la neuropathie. En outre, ils peuvent augmenter les pressions au niveau du pied controlatéral le mettant à risque d'ulcération (81) .
- Les fauteuils roulants : Ils sont utiles en cas de lésions bilatérales ou en l’absence d’autre solution. Les inconvénients sont l’encombrement du fauteuil et l’appui sur le pied lors des transferts.
- Les chaussures de décharge. Encore appelées demi-chaussures ou chaussures de cicatrisation, ces chaussures thérapeutiques à usage temporaire (CHUT) déchargent électivement une partie du pied tout en permettant la poursuite d'une déambulation raisonnable. Plusieurs types de chaussures sont commercialisés :
20
- Les chaussures de décharge de l'avant-pied, de type Barouk ou Barouk-
Mayzaud avec prolongement antérieur. Ces chaussures sont très efficaces quand elles sont portées en permanence (86) . L'inconvénient principal est l'instabilité à la marche du fait de la hauteur importante du talon : la marche peut être facilitée par des cannes canadiennes ou par la pose d'une talonnette compensatrice sur la chaussure opposée. Il est essentiel d'éduquer le patient à la marche afin qu'il ne déroule pas son pas pour
éviter le transfert des pressions au niveau de l'avant-pied et de s'assurer qu'il met bien en pratique les conseils donnés.
- Les chaussures de décharge de l'arrière-pied (Sanital®), chaussures
ORTHOP-DIAB® qui déchargent le talon.
- Les chaussures de décharge de la face dorsale des orteils ORTHOP USA®
Ces chaussures peuvent être prescrites par tout médecin sans qualification particulière, sur une ordonnance habituelle ; la plupart sont remboursées sur la base d'un tarif forfaitaire sans nécessité d'accord préalable (47) . Le problème essentiel de ce type de décharge, de par son caractère amovible, est la compliance du patient : il est en effet essentiel que la chaussure de décharge soit portée en toutes circonstances, aussi bien à domicile qu'à l'extérieur, pour des trajets longs ou courts, même la nuit pour aller aux toilettes (87) . Le degré de compliance à la décharge est un facteur essentiel de la cicatrisation.
- Les bottes amovibles. Il s'agit de bottes faites en matériau léger mais rigide dont la plus utilisée est "l'Aircast Diabetic Walker®". Cette botte remonte jusqu'au dessous du genou et sa semelle est en forme de tampon buvard ; en outre, quatre compartiments pneumatiques gonflables à l'intérieur de la botte permettent de maintenir le pied fermement en place et une semelle intérieure à double densité est fournie pour éviter les points de pression (88) . Ainsi, les pressions lors de la marche se répartissent équitablement sur toute la surface plantaire du pied et une grande partie est dissipée vers le haut grâce à la hauteur et la rigidité de la botte. Le "DH
Pressure Relief Walker" est un autre type de botte amovible dont le principe est voisin du modèle précédent mais qui comporte une semelle intérieure que l'on peut facilement évider pour diminuer les pressions en regard de la plaie (89) . Ces dispositifs sont très efficaces (90, 91) mais le problème est ici encore à la compliance : récemment, il a été montré que les patients
équipés de tels dispositifs ne les portaient en fait que pendant 28% de leur activité quotidienne ! (92) . Il est donc capital pour tous les soignants de vérifier la bonne adhésion du patient et de lui répéter l'importance d'une décharge permanente.
- Les bottes non amovibles :
- La botte à contact total (BCT) constitue en terme de décharge la méthode de référence, efficace sur la cicatrisation dans 72 à 100% des cas (81) : elle est confectionnée en plâtre ou en résine et englobe tout le pied pour remonter jusqu'au dessous du genou. Le principe de la décharge est voisin
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de celui expliqué ci-dessus pour les bottes amovibles ; ces bottes doivent
être réalisées par un personnel expérimenté, en ayant soin de bien protéger par plusieurs couches d'ouate les zones osseuses proéminentes et notamment les malléoles, au risque de provoquer de nouvelles ulcérations (93) .
L'efficacité des BCT est reconnue : dans une étude randomisée (94) , 89,5% des ulcères plantaires neuropathiques avaient cicatrisé au bout de 2 semaines, pourcentage significativement supérieur à celui obtenu avec les bottes amovibles (65%) ou les chaussures de décharge (58,3%). Les BCT ont cependant certains inconvénients (81) : elles masquent la plaie, empêchant sa visualisation et des soins locaux quotidiens. Ceci explique que l'ischémie et l'infection sont une contre-indication à ces BCT. La botte est en général ouverte tous les 8 à 10 jours afin d'inspecter la plaie, puis refaite ce qui nécessite un temps certain. Elles sont lourdes, peu esthétiques, gênant le sommeil et la toilette et pourraient aggraver l'instabilité posturale (81) .
- Les bottes fenêtrées sont une alternative intéressante, une ouverture
étant réalisée en regard de l'ulcération, celle-ci étant "suspendue" entre deux talonnettes de marche (84) . Le fenêtrage permet l'inspection de la plaie et son traitement régulier et la botte n'est définitivement enlevée qu'une fois la cicatrisation complète de l'ulcération obtenue. Les patients sont mis sous héparine à bas poids moléculaire. Les résultats de cette technique sont tout à fait satisfaisants, supérieurs à ceux obtenus avec une chaussure de décharge (87) et comparables à ceux rapportés avec les BCT.
Comme pour celles-ci, la confection des bottes fenêtrées est relativement long, demande une expertise particulière et un suivi attentif. Elles sont
également contre-indiquées pour les ulcères à prédominance ischémique et les plaies infectées
Qu'il s'agisse des BCT ou des bottes fenêtrées, le succès de ces dispositifs s'explique avant tout par le fait qu'elles "forcent" la compliance (81) .
Compte tenu de la lourdeur qu'impose la réalisation de ces bottes, elles seront réser vées avant tout aux patients dont l'adhésion à la décharge est insuffisante et dont la plaie met en jeu le pronostic vital du membre inférieur.
Les autres moyens de décharge : beaucoup d'autres méthodes de décharge ont été décrites (95, 96) [Annexe 9] en fait rarement employées, du moins en France. Tout moyen qui met en permanence la plaie à l’abri d’un frottement ou d'un hyper appui sans risque est présumé efficace (coussins déchargeant les talons en cas d’alitement, botte gonflable, ….) Par contre, les orthèses plantaires et les chaussures orthopédiques ne doivent pas être considérées comme un moyen curatif mais une modalité de prévention après cicatrisation (81) . Une proposition d'arbre décisionnel est donnée dans l'annexe 10.
22
> LE PIED DIABETIQUE :
> UNE APPROCHE MULTIDISCIPLINAIRE
Le "pied diabétique" est donc une pathologie particulièrement complexe, à multiples facettes, intriquant à des degrés divers une atteinte ner veuse, une insuffisance artérielle, des anomalies biomécaniques et une fréquente surinfection et il est évident qu'une seule personne ne peut prendre en charge tous les aspects du problème. La prise en charge multidisciplinaire est une évidence dont les objectifs sont l'éducation des patients mais aussi des soignants, le dépistage des sujets à risque, la mise en pratique des mesures préventives et l'organisation de soins efficaces.
Cette équipe multidisciplinaire est constituée au mieux de :
- un ou des coordinateurs, diabétologue ou médecin généraliste le plus souvent,
- un spécialiste en infectiologie, un angiologue, un spécialiste de médecine physique, un médecin en charge des urgences, un radiologue inter ventionnel,
- des infirmières formées à l’éducation des patients et au traitement des lésions,
- des chirurgiens orthopédistes, vasculaires et plasticiens ayant des compétences spécifiques dans la prise en charge des pieds diabétiques,
- des podologues formés à la prise en charge des pieds diabétiques,
- des podo-orthésistes fournisseurs de chaussures thérapeutiques de série ou sur mesure,
- des kinésithérapeutes pouvant éduquer les patients à la marche avec des béquilles, améliorer la mobilité articulaire, réaliser des contentions et des bottes de décharge,
- des diététiciennes,
- des aide-soignantes,
- des assistantes sociales,
- des pharmaciens.
A cette équipe de référence, en général hospitalière, doit s’associer un réseau de soins également multidisciplinaire et également très impliqué dans la prise en charge du pied diabétique.
Cette approche multidisciplinaire demande des communications efficaces entre tous les partenaires. Un document de suivi est indispensable.
Comme le souligne le document de consensus du Groupe de Travail
International sur le Pied Diabétique "une stratégie comprenant prévention,
éducation du patient et des équipes soignantes, traitement multidisciplinaire des ulcérations et sur veillance attentive peut réduire les taux d'amputations chez le diabétique par 49 à 85%" (28) . Certaines études ont déjà prouvé le bien fondé d'une telle approche (11-16) .
23
Stade
1
2
3
4
Sévérité
Absence d'infection
Infection superficielle
Infection modérée
Infection sévère
ANNEXE 1
CLASSIFICATION DE LA SÉVÉRITÉ DE L'INFECTION
Caractéristiques
Pas de signes ou de symptômes d'infection
Infection de la peau et du tissu sous-cutané
(sans atteinte des structures plus profondes).
Présence au moins de 2 des signes suivants :
• Œdème local ou induration
• Eythème péri-ulcéreux, entre 0,5 et 2 cm
• Douleur ou sensibilité locales
• Décharge purulente
Atteinte des structures plus profonde que la peau et le tissu sous-cutané (abcès, arthrite, fasciite, ostéite) ou
Er ythème péri-ulcéreux > 2 cm associé à l'un des signes précédents.
Toute infection s'accompagnant d'un syndrome systémique inflammatoire, caractérisé par au mois deux des signes suivants :
• Température > 38° ou < 36°
• Fréquence cardiaque > 90/mn
• Fréquence respiratoire > 20/mn
• PaCO2 < 32 mmHg
• Leucocytose > 12 000 ou < 4 000/mm3
• Plus de 10% de polynucléaires immatures
ANNEXE 2
MODE D'EMPLOI DU FILAMENT DE 10 G
Le monofilament de nylon 5.07 de Semmes-Weinstein est calibré pour exercer une pression de 10 g lorsqu’on le fait se courber. Le monofilament doit être appliqué perpendiculairement à la surface de la peau, avec suffisamment de force pour le courber.
• Appliquez d'abord le filament sur la face dorsale de la main du patient pour qu'il sache ce qu'il doit ressentir.
• Demandez ensuite au patient de fermer les yeux, pour qu’il ne voie pas l’endroit où vous appliquez le monofilament.
• Appliquez le monofilament fermement, en une fois : faites attention à ne pas le faire glisser et à ne pas toucher la peau de façon répétitive ; la durée totale d’application du monofilament doit être approximativement d'une seconde.
• Dès l'application faite, demandez au patient s'il la ressent ou non (OUI/NON) puis où il la ressent (pied
DROIT/GAUCHE).
• Le filament doit être appliqué sur 3 sites plantaires pour chaque pied : sur la pulpe distale du gros orteil, en regard de la tête de 1e et du 5e métatarsien. A chaque site, faire deux applications du filament et une "factice" où le filament n'est pas appliqué. Les applications doivent être faites dans un ordre aléatoire, pour éviter les biais dus à l’anticipation du patient.
La sensation de protection est considérée comme conser vée si, à chaque site, au moins deux réponses sur trois sont justes.
Elle est anormale si, à un seul site, au moins deux réponses sur trois sont fausses : le pied est alors considéré à risque.
• Pour conser ver le monofilament en bon état, conser vez le dans son étui ou replié dans son manche. Les propriétés mécaniques des filaments se détériorent avec le temps : il est préférable d’en changer régulièrement.
24
D'après les recommandations du Consensus International sur le Pied Diabétique (31).
ANNEXE 3
GRADUATION DU RISQUE D'ULCÉRATION SELON LE SYSTÈME DE CLASSIFICATION
DU GROUPE INTERNATIONAL DE TRAVAIL SUR LE PIED DIABÉTIQUE
Grade
0
1
2
3
Définition Prise en charge
Absence de neuropathie sensitive.
Neuropathie sensitive isolée.
Examen annuel des pieds.
Education générale du patient
Examen des pieds tous les 6 mois
Education ciblée du patient.
Neuropathie et déformations du pied et/ou artériopathie périphérique
Examen des pieds tous les 3 mois
Education ciblée du patient
Consultation podologique spécialisée
Soins de pédicurie et podologie réguliers.
Si nécessaire prescription d’orthèses ou de chaussures adaptées.
Antécédent d’amputation ou d’ulcération Mêmes mesures que pour les grades 1 et 2 d’un pied ayant duré plus de 3 mois avec en plus : orientation pour bilan annuel vers une
équipe spécialisée.
ANNEXE 4
CONSEILS AUX PATIENTS À RISQUE DE TROUBLES TROPHIQUES
1. Lavez-vous quotidiennement les pieds à l’eau tiède avec du savon neutre en contrôlant la température de l’eau avec un thermomètre ou votre coude. Ne prenez pas de bain de pieds, car ils font courir le risque de macération et de mycose, préférez la douche quotidienne.
2. Essuyez vous soigneusement les pieds, en particulier entre les orteils avec une ser viette sèche sans mouvement de scie ; n’utilisez pas de sèche-cheveux car vous risquez de vous brûler.
3. Appliquez tous les jours une crème hydratante, si possible adaptée aux pieds diabétiques.Veillez à ne pas en mettre entre les orteils.
4. En cas d'hyperkératose ("corne"), utilisez avec précaution une pierre ponce non aggressive juste après la douche. Si cela ne suffit pas, consultez un podologue formé aux soins chez le diabétique. N'utilisez jamais de coricide ni de pansement pour ampoule et ne recourez jamais à des instruments tranchants (ciseaux, scalpels, lames de rasoir, …)
5. Faites très attention à la coupe de vos ongles :
Coupez les droit, au carré, en utilisant des ciseaux droits à bouts ronds ; arrondissez les coins de l'ongle au moyen d'une lime en carton
Evitez de couper/limer vos ongles trop court.
Si vous avez une mauvaise vue, si vous avez du mal à atteindre vos pieds ou si vos ongles sont trop durs ou déformés, consultez un podologue,
Si vous avez un ongle incarné, faites le traiter rapidement par un podologue,
6. Changez tous les jours de chaussettes. Attention aux coutures et aux élastiques,
7. Vérifiez chaque fois que vous vous chaussez qu’il n’y a pas d’objets étrangers à l’intérieur (en passant la main jusqu’au bout de la chaussure et en la secouant),
8. Ne marchez jamais pieds nus, ni chez vous, ni à la plage,
9. N'utilisez pas de source de chaleur directe (bouillottes, cheminées, couverture chauffante, radiateur) pour vous réchauffer les pieds,
10. Faites régulièrement des mouvements d’assouplissement de vos pieds, par exemple : extension-flexion des avant-pieds, de la cheville et des orteils, massage de la voûte plantaire avec une balle de tennis.
11. Vérifiez que votre vaccin anti-tétanique est à jour,
Que faire en cas de plaie ?
Toute plaie, même non douloureuse, est une urgence.
1. Si vous constatez une plaie, ne mettez pas d’antiseptique sur la peau.
2. Si vous avez identifié la cause de la plaie (chaussure, corps étranger…), supprimez la immédiatement. Contactez immédiatement votre médecin.
3. Nettoyez la plaie avec de l’eau et du savon ou avec un savon liquide et recouvrez par une compresse sèche.
25
ANNEXE 5
EXAMEN DES PIEDS
1. Examinez vos pieds chaque jour. Si vous manquez de souplesse pour atteindre vos pieds, aidez-vous d'un miroir. Si vous avez des difficultés de vision, faites appel à un proche.
2. Examinez l'ensemble du pied avec un bon éclairage pour déceler toute lésion sous la plante des pieds et entre les orteils.
Il faut rechercher toute irritation, fissuration, macération, cor, callosité, ampoule, blessure superficielle ou plaie minime de la plante, du dos, des bords du pied et dans les espaces entre les orteils.
Il faut inspecter les ongles pour repérer une rougeur, un suintement, un ongle incarné ou épaissi et déformé.
3. Contactez votre médecin devant toute anomalie et ne perdez pas de temps, surtout en cas de plaie, même si elle n'est pas douloureuse.
ANNEXE 6
CONSEILS POUR LE CHAUSSAGE
1. Les chaussures, en matériau souple, doivent avoir un volume adapté à celui de vos pieds, avec une semelle antidérapante, sans couture intérieure et avec des lacets ou velcro. Sauf indication particulière, les talons ne doivent pas dépasser 4 cm de hauteur et être suffisamment larges pour une bonne stabilité.
2. Le pied doit toujours être protégé dans la chaussure par des chaussettes ou des bas. Les chaussettes doivent être changées tous les jours, sans trous ni reprises. Les chaussettes doivent être assez épaisses, sans coutures saillantes. Evitez que les bas ou chaussettes serrent trop la jambe pour faciliter la circulation.
3. Evitez les tongs, sandales, espadrilles, mules etc……
4. Ne gardez jamais des chaussures neuves toute la journée.
5. Il est préférable d’avoir deux paires de chaussures, afin de changer tous les jours de chaussures.
4. Achetez vos chaussures en fin de journée en raison de l’œdème de déclivité (pieds enflés le soir).
5. Si vous portez des orthèses plantaires (semelles), placez les dans les chaussures pour les essayer en vérifiant que le volume soit suffisant.
6. Portez tous les jours vos orthèses plantaires, vos orthoplasties, et vos chaussures orthopédiques y compris à la maison, sauf en cas de plaie.
26
ANNEXE 7
CLASSIFICATION DES LÉSIONS DU PIED
SYSTÈME DE WAGNER (54)
3
4
1
2
Stade
0
5
Lésion
Pas de lésion ouverte ; possibilité de déformation ou de cellulite.
Ulcère superficiel.
Ulcère profond, atteignant tendon, capsule ou os, sans abcès ni ostéite.
Ulcère profond avec abcès, ostéite ou arthrite septique.
Gangrène localisée de l'avant-pied ou du talon
Gangrène généralisée à l'ensemble du pied
SYSTÈME DE L'UNIVERSITÉ DU TEXAS (55, 56)
La plaie est classée en degré selon la profondeur de l'atteinte et en stade selon la présence ou non d'une ischémie et ou d'une infection.
Degré
0 I II III
Lésion pré- ou Plaie superficielle Plaie pénétrant les Plaie pénétrant l'os post-ulcérée, épithélialisée tendons ou la capsule ou l'articulation totalement n'atteignant pas les tendons la capsule ou l'os
Stade
A
B
C
D
Constatation
Pas d'infection ni d'ischémie
Infection mais pas d'ischémie
Ischémie mais pas d'infection
Infection et ischémie
Une plaie IB est superficielle et infectée mais sans ischémie
C
D
A
B
0
0
12,5
25
50
I
0
8,5
20
50
Prévalence d'amputation (%) dans chaque catégorie
II
0
28,6
25
100
III
0
92
100
100
ANNEXE 8
TECHNIQUES DE PRÉLÈVEMENT BACTÉRIOLOGIQUES
La prescription d'une antibiothérapie adaptée nécessite généralement la mise en culture d'un prélèvement et la réalisation d'un antibiogramme. Le principal problème est d'isoler les germes en cause et non des germes de colonisation, ce qui nécessite de respecter les indications (infection clinique) et les impératifs techniques pour faire un prélèvement. Les prélèvements doivent rester simples afin de pouvoir être renouvelés facilement et répétés lors du suivi. Plusieurs méthodes peuvent être conseillées :
Curetage de la base de l'ulcère
- Débrider et nettoyer l’ulcère au sérum physiologique,
- Avec une curette ou un scalpel, prélever par grattage du tissu à la base de l'ulcère,
- Mettre les fragments ainsi obtenus dans les milieux de culture
Ecouvillonnage du fond de l’ulcère
- Débrider et nettoyer l’ulcère avec du sérum physiologique,
- Prélever en frottant avec un écouvillon la périphérie du fond de l’ulcère.
Aspiration à la seringue sous l’ulcère
- Débrider et nettoyer l’ulcère avec du sérum physiologique,
- Désinfecter la peau en périphérie de l’ulcère avec une solution antiseptique,
- Avec une seringue et une aiguille pour IM ou SC, ponctionner la peau en périphérie de l’ulcère, passer sous l’ulcère dans la zone infectée et aspirer le matériel présent,
- En cas de ponction blanche, injecter 1 ml de sérum physiologique stérile par le point de ponction et aspirer immédiatement,
- Vider le contenu de la seringue dans un flacon de culture.
Prélèvement de pus
Le pus peut être recueilli lors d'une fistulisation à la peau d'une infection profonde ou directement à partir d'un abcès collecté.
- Nettoyer la plaie au sérum physiologique,
- Enfoncer un cathéter semi-rigide monté sur seringue progressivement dans la fistule le plus profondément possible ou dans la collection,
- Lorsque l’on bute, aspirer.
- Vider le contenu de la seringue dans un milieu de prélèvement
- En cas de ponction peu productive, envoyer le cathéter en bactériologie.
Biopsie tissulaire
C'est la méthode à privilégier qu'il s'agisse de "punch-biopsie" au lit du patient ou de prise de matériel au cours d'un débridement chirurgical ou lors de l'exérèse d'un séquestre osseux.
Quelle soit la technique utilisée, les prélèvements doivent être envoyés très rapidement en bactériologie sur des milieux de culture adéquats.
ANNEXE 10
DÉCHARGE : ARBRE DÉCISIONNEL
ULCERE PLANTAIRE
ANNEXE 9
TECHNIQUES DE DÉCHARGE
Décharge totale : alitement, fauteuil roulant, béquille
CHUT
Bottes amovibles
BCT
Bottes fenêtrées
Bottes diverses : Scotchcast, MABAL
Appareillage sous-rotulien
Mousse "felted-foam"
Evidement de la chaussure
Lésion sévère ?
NON
OUI
Alitement
Activité du patient
Localisation particulière
Méthode artisanale
Importante
Botte amovible
Modérée Faible
Chaussure de décharge
Béquilles
Fauteuil roulant
MC
Botte non amovible
MC MC
MC : Manque de compliance
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L’Alfediam Paramédical, une association dynamique en diabétologie.
Ses actions :
>
Permettre les échanges entre les
équipes soignantes
>
Actualiser les connaissances scientifiques et les comportements éducatifs
>
Créer une dynamique entre les paramédicaux
>
Promouvoir la reconnaissance du rôle et de la place des paramédicaux dans les soins et l’éducation
>
Représenter les paramédicaux auprès des instances traitant du diabète
>
Valoriser l’activité des paramédicaux en diabétologie auprès des pouvoirs publics.
Odile LAUTIER Présidente de L’ALFEDIAM paramédical remercie pour leur soutien les sociétés :
Johnson & Johnson
Roche
BD
Lifescan
Abbott-Medisense
Animas
Vitalair
Sanofi-Aventis
58 rue Alexandre Dumas
75544 Paris Cedex 11
Tél : 01 40 09 89 07 - Fax : 01 40 09 29 14 e-mail : alfediam@magic.fr - Internet : www.alfediam.org
Groupe de lecture :
- Dr. Dominique MALGRANGE, CHU de Reims (51).
- Pr. Georges HA VAN, Pitié Salpetrière (75).
- Dr. Jean-Louis RICHARD, Président du Groupe Mixte de Travail ALFEDIAM médical et Paramédical, CHU de Nîmes (30).
- Dr. Jacques MARTINI, CHU de Rangueil, Toulouse (31).
- Louis OLIE podologue président de la Féderation Nationale des Podologues.
- Michel VARROUD-VIAL médecin diabétologue, hopital sud-francilien Corbeil (91).
- Pascal FIX Podologue Autun (71).
- Dr Catherine PETIT médecin diabétologue, hôpital Sud-Francilien Corbeil (91).
- Martine FERNANDES, IDE Diabétologie,
CHU Rangueil Toulouse (31).
- Martine RUMEAU, IDE Centre de Cicatrisation CHU Rangueil Toulouse (31).
- Monette LATOURNERIE, IDE Toulouse (31).
- Carole GAUSSERAN, Podologue Toulouse (31).
- Mme Murielle RIGAUD-SCHLAWICK, podologue CH de St Nazaire (44).
- Dr Dominique EVENO, Médecine physique & réadaptation CRRF
La Tourmaline St Herblain (44).
- Dr Sylvie GRANDPERRET-VAUTHIER,
Diabétologue CHU Besançon (25).
- Dr Laurent JEUNET, Chirurgien orthopédique CHU Besançon (25).
- Catherine TESSER, Infirmière CHU Besançon (25).
- Christel TOUVREY, Infirmière Chu Besançon (25).
- Camille BLUM, Podologue Besançon (25).
- Fabienne BENEJEAN, infirmière au CH Sud Francilien Corbeil (91).
- Sylvie FERNANDES, Infirmière au CH Sud Francilien Corbeil(91).
- Dr Dominique DORCIER, dermatologue, Centre Hospitalier d'Aurillac (15).
- Arlette REYT, Infirmière, Centre Hospitalier d'Aurillac (12).
- Mme HUSSIN, infirmiere, hospitalière Bruxelles.
- Mme EVEN, Podologue, hôpital Robert Ballanger (93).
- Virginie COLSON, Podologue, Sevran (93).
- Dr Olocco-porterat, diabétologue, Nice (06).
- Brigitte Lecointre, I.D.E libérale, Nice (06).
- Michèle Massiera, I.D.E, CHU Nice Hôpital Pasteur (06).
- Odile LAUTIER,I.D.E, CHU Lapeyronie Montpellier (34).

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